A la lueur de l'aube, nous embarquâmes dans la somptueuse auto de l'un de mes supérieurs. La route que nous pratiquâmes ne nous parut que de courte durée car nous nous lancions de fameuses boutades et quelques vaseux calembours ; de plus notre chauffeur nous fit entendre de chaleureuses musiques qui réchauffèrent nos cœurs si mélancoliques...
Nous arrivâmes bientôt devant l'une des belles maisons de Sieur V.. Cette vaste ferme composée de plusieurs entrepôts plus ou moins évidents qui s'ouvraient sur une large cour nous engoua vraiment.
Pierre-Henri, un garçon très élancé, pas très corpulent, notre chef de patrouille, nous guida vers le lieu de campement. Après nous être installés, nous commençâmes un bien singulier grand jeu sur la « science-fiction » organisé par Jean-Baptiste. Divisés en deux équipes, nous venions et revenions aux endroits indiqués selon l'emplacement des messages. Le jeu fut conclu par une «prise de foulard» que nous perdîmes.
La nuit était déjà bien tombée quand nous décidâmes de rentrer. Nous dûmes faire quelques excursions nocturnes pour cause du manque de bois. Nous ripaillâmes copieusement, puis participâmes à la veillée qu'avait préparée notre ami JM. La veillée consistait à nous apprendre la vie de « Surcouf, roi des corsaires ». Notre Boute-en-train s'arrêtait souvent au beau milieu de son récit pour demander des partenaires, tout en accompagnant de sa guitare de vieilles chansons de vieux loups de mer. Souvent mon chef de patrouille et son second prenaient une autre voix tout à fait fausse ou accéléraient la chansonnette. Dans ce cas-là, JM battait nerveusement son pied droit pour tenter de remettre ces 2 forbans en mesure. La veillée fut succédée d'une belle prière.
Quand les yeux de Pierre-Henri fixèrent la piteuse face de Guillaume, un gloussement de joie sortit de sa gorge. A vrai dire, il n'était pas dans son tort, car quand on a en face de soi la fameuse trogne rondelette du second, ses yeux glauques et ses joues pendantes, sa large bouche qui ne s'ouvre que pour pousser des grognement dignes d'un ours, on ne peut que rire. Cette scène se passa alors que nous n'avions pas même entamé notre deuxième « Je vous salue Marie ». Nous dûmes donc commencer une seconde prière. Celle-ci fut sérieuse. Et nous nous comportâmes comme des dévots. Après s'être fait plusieurs fois recaler par la haute patrouille, pour avoir tenté de la flageller à coup de foulards, nous nous glissâmes dans nos douillets duvets.
Après une douzaine d'heures de sommeil, je me réveillai car une odeur de parmesan pourri me chatouillait les narines. Celle-ci provenait de la bouche de mon voisin le plus proche Thibault, qui devait sûrement rêver de déguster un délicieux camembert car sa bouche mâchait le vide. Nous mangeâmes.
A la suite de cela, nous voulûmes nous mettre en quête d'une trace bien distincte que nous pouvions mouler. Nous hésitâmes longuement entre une vraie trace de botte et une vraie trace de biche faite par les mains de Guillaume. Enfin les yeux du CP tombèrent sur l'empreinte d'un cheval. Notre seule chance s'effaça vite quand le pied de Thibault tomba dessus. Nous renonçâmes donc à faire le moule.
Un grand jeu (improvisé, je présume) se mit en place. Notre équipe avait pour but de faire un herbier d'essences différentes, remplir un questionnaire, faire le croquis de la chapelle, et celui d'un lièvre que je dus moi-même dessiner : il ne ressemblait en rien à un lièvre, plutôt à un chevreuil, précisa le second ». Nous dûmes monter un long chemin avec une lourde bûche dans les bras, passer entre les cordes, traverser un pont de singe d'une façon très particulière, suivre une corde qui passait dans les ronces, des taillis, etc.
Quel maraud et quel coquin suis-je d'avoir oublié de vous dire qu'après avoir renoncé aux traces, nous déjeunâmes ! Une voiture arriva dans la vaste cour : nous y déposâmes nos sacs et y embarquâmes. Nous nous retrouvâmes presque tous pour la messe du dimanche soir à Saint-Romain, à l'exception de Thibault qui prétendait aller à un certain office à Saint-Maclou.